Le 7ème année était trop secoué par la nouvelle de la confiscation de sa baguette pour réfléchir réellement aux propos que Colyne adressait au hibou, même s’il se demanda vaguement à quoi elle pouvait faire référence à propos du visage de son père. Le volatile ne parut d’ailleurs pas plus le comprendre lui-même et se volatilisa à toute vitesse dès qu’il fut "poussé" vers la sortie.
Il resta ensuite pantois devant la théorie de Serpentard et ne sut pas très bien si elle essayait de le réconforter ou de l’achever, il nota toutefois l’aisance avec laquelle elle utilisa sa baguette d’emprunt et cela lui mit du baume au cœur : peut-être, qu’après tout, cette baguette n’était pas si mauvaise que ça et qu’il ne lui faudrait qu’un peu d’exercice pour s’en servir convenablement.
"Je crois que les trolls sont trop stupides pour prévoir une attaque organisée… et on les verra arriver de loin dans le pire des cas" fit-il en esquissant un sourire.
" Pourquoi diable le ministère chercherait-il à nous voler des baguettes ? Il paraît qu’ils en ont déjà un stock plus que conséquent en prévision d’une grève des fabricants, non ? Enfin c’est ce que j’avais lu dans le Canard Mal Luné en tout cas." rajouta-t-il d’un air vaguement conspirateur.
Il ne sut que répondre quand la jeune femme évoqua nonchalamment le fait de cambrioler Gringotts, établissement pourtant réputé pour son inviolabilité (et il fallait de toute manière avoir des tendances suicidaires pour voler des gobelins, compte-tenu de leur rancune intarissable), mais il n’eut pas l’occasion d’y réfléchir longuement puisque ses yeux louchèrent instinctivement sur le décolleté de la demoiselle.
Il se ratatina sur sa chaise, rangea sa nouvelle baguette et se crispa dès qu’il sentit un contact sur sa jambe. Il se servit essaya de se servir un verre de jus d’orange, même s’il avait l’impression d’avoir un lutin trembloteur fermement collé à son bras, mais n’eut pas l’esprit assez aventureux pour tenter d’en boire le contenu.
Il n’arrivait pas à décrocher le regard du visage de la 6ème année, et imprima malgré lui dans son esprit le moindre de ses traits : sa chevelure, ses yeux et cette petite étincelle au fond de ceux-ci, son nez, sa bouche… Il déglutit difficilement pendant qu’il s’attardait sur ses lèvres, qu’il sentait une soudaine bouffée de chaleur, que ses pensées s’embrumaient, que les battements de son propre cœur résonnaient à ses oreilles crescendo, et que le monde semblait progressivement vaciller autour de lui, comme s’ils n’étaient plus que deux individus dans la grande salle.
Il lui sembla que son corps se courbait en avant de lui-même, mû par une volonté propre et inflexible, comme s’il était sous l’impulsion d’un sortilège d’attraction lent et irrésistible, et il sentit la chaleur de Colyne, sa respiration et finalement le contact de ses lèvres.
Il n'entendait pas les élèves autour d'eux, ni le bruit de la vaisselle qui tinte, ni les disputes matinales qui éclataient, ni les rires qui fusaient ça-et-là, ni le boursouflet sur sa tête qui se demandait pourquoi son perchoir s'inclinait de la sorte.
Plus rien n’importait d’autre qu'elle à ce moment précis. Plus rien d'autre n'existait.